La maladie bonapartiste du centralisme est bien la première responsable de la situation. Responsable aussi un président de la République qui utilise les pouvoirs que lui donnent les institutions hypercentralisées de notre pays. C’est sans doute légal mais pas légitime.
Pas de premier ministre à Paris et tout serait bloqué ? Ainsi les millions de gens qui vivent hors du kilomètre carré dans lequel s’agite « l’élite »* du pouvoir compteraient pour du beurre. Tout le monde à la tête des partis joue le jeu de ce centralisme paralysant. Chacun en veut la tête.
Il est un fait : il n’y a pas de majorité et vraiment pas de volonté de compromis. Et pendant ce temps l’extrême droite se régale du spectacle parce qu’elle a tout à gagner à rester silencieuse, laissant celles et ceux qui ont fait front contre elle se déchirer pour savoir qui est capable de gérer au mieux les institutions obsolètes de cette cinquième République et éventuellement de prendre place sur le trône en 2027.
Mais ce sont justement ces institutions qui sont responsables du blocage, celles qui font qu’un seul homme détient trop de pouvoirs. Trop de pouvoirs en un même lieu et entre les mains de trop peu de personnes. Voilà le malaise, la pathologie.
Pour les uns la solution est le consensus mou, pour d’autres c’est descendre dans la rue. Mais toutes ces propositions ne changent rien au problème. Le consensus mou se ferait autour du monarque et descendre dans la rue ce serait pour interpeler le monarque ! Faut-il qu’on l’aime pour justifier ainsi à chacune de ses déclarations et chacune de ses actions, son existence et son rôle surdimensionné ?
Diagnostic clair : centralisme pathologique
Cela fait des années que le diagnostic sur ce centralisme parisien est dénoncé par des analystes divers et variés, et pourtant rien ne se passe. Faut-il donc en arriver à la crise pour que l’on essaye d’y réfléchir enfin ?
Si les décisions n’étaient pas toutes prises dans quelques cabinets ministériels ou à l’Elysée, si les collectivités territoriales —qui élisent des assemblées elles aussi— avaient plus de pouvoir d’agir, si elles avaient des ressources fiscales propres, si elles avaient plus de moyens budgétaires, tout ce qui arrive serait atténué.
On ne se demanderait pas comment se déroulera la rentrée scolaire, on ne se demanderait pas ce qui pourrait arriver si le Parlement n’était pas en mesure de voter un budget.
Le budget de l’État est le seul qui compte dans ce pays. Les budgets des collectivités (même additionnés) sont peu de chose comparé à lui et de toute façon les collectivités reçoivent presque tout du bon vouloir de l’État.
Alors imaginons un pays où les diverses collectivités pourraient gérer leurs affaires avec plus d’autonomie. Serions nous dans cette situation ?
Cela ne veut pas dire que les élus locaux, départementaux ou régionaux sont plus intelligents ou plus compétents que les autres mais cela signifie que les changements à la tête du pouvoir central ne seraient pas si tragiques si ce centre était doté de moins de pouvoirs. Plus d’autonomie pour les collectivités c’est une sorte d’airbag qui amortit les chocs. Regardons autour de nous, en Europe et dans le monde !
L’obsession présidentielle
Dans ces conditions la classe politique n’aurait pas pour seul objectif l’élection présidentielle à venir. Parce qu’à l’évidence, le blocage qui est dénoncé par toutes et tous, est avant tout la conséquence des stratégies pour l’élection présidentielle. On se positionne pour 2027. Personne ne veut « lâcher le morceau ». Mais de ce pouvoir hypercentralisé entre les mains d’un homme (ou d’une femme pourquoi pas ?) et d’une petite « élite » parisienne, on en crève !
Bien sûr qu’il faut changer de politique : faire augmenter les salaires, agir contre le changement climatique, les injustices sociales, améliorer le travail, produire mieux, consommer mieux… Mais, si ce système était capable de faire le début du commencement de tout cela, il nous en aurait donné la preuve, depuis le temps.
Le centralisme justifie souvent son existence par la volonté de traiter tous les citoyens à égalité. Mais si le centralisme était un gage d’égalité et de justice sociale, la France serait un paradis de l’égalité, tant le pouvoir y est centralisé. C’est le contraire qui se passe. Posons-nous les bonnes questions. Plutôt que de savoir qui va commander demandons-nous comment sera réparti le pouvoir. Mais pour accepter de se poser cette question il faut éviter l’obsession présidentielle, ce rêve monarchique qui ne dit pas son nom. Il faut arrêter d’attendre l’homme ou la femme providentielle.
Et que tous les ambitieux qui bâtissent des stratégies pour 2027, en se disant que cette crise est une occasion pour se placer sur la ligne de départ, n’oublient pas que de ce chaos ne peut profiter qu’à l’extrême droite. Son silence assourdissant devrait nous alerter. Elle sait qu’elle tirera profit du discrédit du politique et des manœuvres diverses. Du chaos peut surgir le temps des médiocres.
* Nous mettons ce mot entre guillemets parce qu’il ne correspond pas à la réalité et c’est souvent ces gens qui se qualifient de cette façon (dans cette prétendue « élite » nous incluons la haute administration, les états-majors politiques ainsi que certains représentants des médias parisiens qui prétendent être le quatrième pouvoir)