« Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraitrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne (…). »
Victor Hugo, Congrès de la Paix, Paris, 1849
Fondée au lendemain de la seconde guerre mondiale sur des valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité, l’Union Européenne s’est donné pour objectifs d’assurer et de promouvoir la paix à l’intérieur et par-delà ses frontières. Le progrès social, le respect de l’État de droit et la défense des Droits Fondamentaux parmi lesquels figurent la liberté de circulation, le respect de la diversité culturelle et linguistique ainsi que la protection des minorités sont consubstantiels à l’Union Européenne. Ces principes cardinaux sont inscrits dans les traités fondateurs de l’UE et proclamés dans la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne.
De la place Maidan en Ukraine à Tbilissi en Géorgie, en passant par Edimbourg ou Belfast, le drapeau européen accompagne les peuples en quête d’émancipation, de liberté et de justice. C’est donc fort logiquement que l’Union Européenne recevait en 2012 le prix Nobel de la paix pour avoir "contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe".
Au-delà des proclamations et des intentions de principe, l’Union Européenne est en réalité un colosse aux pieds d’argile. Entravée dans ses ambitions et dotée de faibles moyens, l’UE peine à exister à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
Confrontée au retour de la guerre sur le “vieux continent“ (invasion de l’Ukraine par la Russie, tensions dans les Balkans) et la multiplication des conflits dans le Caucase (attaques militaires de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh et dans le sud de l’Arménie) et au Proche-Orient (conflit israélo-palestinien), l’Union Européenne est incapable de peser pour protéger la paix. L’absence de politique étrangère commune dessert l’Union Européenne qui peine à parler d’une seule voix sur la scène internationale face aux grandes puissances comme les États-Unis ou la Chine et à s’imposer face aux régimes autoritaires comme la Russie ou la Turquie. Pour R&PS, dans cette période de recomposition du monde en grands blocs, il est indispensable que l’UE s’organise pour défendre ses valeurs et ses intérêts.
Prétexte ou réalité, le non-respect des minorités est à la base de ces nouveaux conflits. La question des frontières est latente à l’intérieur des anciens empires. La volonté d’émancipation de certains peuples se heurte aux velléités hégémoniques et expansionnistes de certains États qui rêvent d’uniformité et de domination. A cette vision, nous opposons la diversité, le vivre ensemble et l’altérité. Pour R&PS, l’unité dans la diversité doit partout prévaloir et l’équilibre entre les intérêts particuliers et généraux doit être, en tout temps, recherché.
Le déclenchement par la Russie de la guerre en Ukraine met les questions de sécurité au premier rang des priorités. A l'issue de ce conflit l’Ukraine doit retrouver la pleine souveraineté sur l'ensemble de son territoire, comme c'était le cas avant les agressions de 2014 et 2022. Une victoire de Vladimir Poutine ferait peser une menace sur l'ensemble des Etats européens. L’UE doit continuer l’effort de soutien à la guerre du peuple ukrainien pour sa liberté et pour la liberté de toutes les démocraties en Europe. Ce doit être l’occasion d’un grand débat et de décisions concrètes pour une Europe de la Défense, fondée sur la coopération entre les États-membres et leurs armées, et évoluant vers des politiques intégrées en termes d’armements et de moyens technologiques sophistiqués comme les satellites, l’espace, la lutte contre les cyberattaques, etc. L’Europe de la Défense n’est possible qu’en réussissant un bond vers une Europe fédérale mieux intégrée.
Le poids politique de l’UE est relatif. Face au « chacun pour soi » des États membres, l’UE a souvent été contrainte d’abdiquer. Les règles collectivement définies et acceptées ne sont pas toujours respectées par les États membres qui font face à la montée en puissance de l’extrême droite et à un discours populiste dangereux pour la démocratie européenne.
La liberté de circulation des citoyens européens qui est pourtant un droit garanti depuis trente ans par les accords de Schengen a plusieurs fois été contrariée par les États qui ont tendance depuis quelques années à se replier derrière leurs frontières faisant fi de la coopération, de la solidarité et du droit européen. La fermeture unilatérale du col de Banyuls et d'autres passages par la France, entre la Catalogne nord et la Catalogne sud ainsi que de différents points de passage entre le Pays Basque Nord et le Pays Basque sud en sont des exemples emblématiques. La liberté de circulation entre pays de l’UE est un droit inaliénable. R&PS ne saurait accepter un retour en arrière. Les frontières internes de l’UE sont autant de cicatrices de l’Histoire. A l’instar de la frontière entre le Danemark et de l’Allemagne qui est célébrée chaque année, les limites entre les États membres de l’UE doivent être des points de rencontre entre les peuples et non des murs hermétiques.
La protection des minorités est une des conditions sine qua none d’adhésion à l’UE définies par les critères de Copenhague (1993) et de Madrid (1995). La non-protection des minorités a d’ailleurs été invoquée pour refuser jusqu’alors l’adhésion de la Turquie au motif justifié qu’elle ne respectait pas la minorité kurde. Cependant la France qui est un membre fondateur de l’UE mène en toute impunité une politique linguicide et continue de nier l’existence de minorités. Si la France devait candidater aujourd’hui à l’UE, sa demande serait assurément rejetée. Nous l’avons observé plusieurs fois au cours de ces dernières années notamment avec la loi Paul Molac et les blocages constitutionnels ou avec la saisine de la justice par les Préfets pour interdire l’usage du corse, du catalan ou du créole martiniquais dans la sphère publique, la France est engagée dans une politique d’éradication des langues régionales sans que l’Union Européenne ne puisse intervenir. Toutes les langues et cultures sont égales en dignité. C’est pourquoi, nous devons soutenir la demande de l’Espagne de faire du catalan, du basque et du galicien, trois langues parlées par près des millions de locuteurs, des langues officielles de l’UE. Pour R&PS, toutes les langues et les cultures doivent être protégées au sein de l’UE. La devise « Unité dans la diversité » n’est pas à géométrie variable. Conformément à ses principes, l’UE doit se tenir aux côtés de celles et ceux qui défendent la diversité linguistique et culturelle.
Malgré le mythe de l'Europe qui gère tout, l'Europe n'a finalement que peu de pouvoir. Pour R&PS, il est nécessaire que les compétences de l’UE soient renforcées, que son fonctionnement soit plus intégré et que la définition et la gestion des politiques européennes soit étendues aux autorités publiques régionales. A terme, les institutions européennes doivent évoluer en faveur d’un fédéralisme européen qui fasse sa place à tous les peuples par le respect du droit à l’autodétermination.
Sur le plan des choix économiques et écologiques, les deux leviers de la politique européenne pour l’économie sont la politique de cohésion, notamment sa dimension régionale, et la politique agricole commune. Ces deux politiques sont essentielles pour l’avenir de nos territoires. Pour R&PS, il convient de rompre avec les choix économiques productivistes qui dominent le modèle agricole européen. Depuis l’origine il est la cause de la désertification des territoires les moins aptes, et aussi des territoires à fort potentiel où la concentration capitalistique des exploitations a là aussi conduit à la désertification doublée d’une dégradation phénoménale de l’environnement sous l’impact des pesticides, de la monoculture, de l’élevage intensif, et de leurs conséquences environnementales sur la qualité de l’air, des rivières, des zones côtières et des eaux souterraines. L’avenir des territoires est dépendant de l’avenir de leur agriculture. Ils sont souvent riches de productions de qualité liées à leurs terroirs. Pour R&PS, ces productions doivent être soutenues en priorité, et renforcées par des labels d’origine et de qualité.
Pour définir leurs politiques de développement, les territoires doivent être appréhendés à travers une dimension culturellement cohérente. Les découpages administratifs arbitraires qui existent dans plusieurs pays d’Europe (Bulgarie, Roumanie, Pologne par exemple), et désormais en vigueur en France aussi depuis la création en 2015 de plusieurs méga-régions technocratiques que les populations rejettent, sont à proscrire. Il est donc prioritaire que l’Europe prolonge la prochaine période de programmation pour la France en conservant les 22 anciennes régions comme elle a continué à le faire après 2015. Les programmes interrégionaux doivent être systématiques et renforcés entre régions frontalières reliées par l’Histoire et par la langue. Les financements alloués aux dynamiques de territoires qui mettent en convergence développement économique, développement culturel, renforcement de l’identité territoriale et respect de l’environnement doivent être privilégiés.
Concentrant pas loin du quart du PIB mondial, l’UE est une puissance économique indiscutable. Cependant son budget qui est aux trois-quarts le produit de la contribution des États membres représente à peine 1% du PIB de l’Union Européenne. En France, pour comparaison, la dépense publique représente 58% du PIB. Quant au nombre de fonctionnaires européens (environ 50.000), il est à peine équivalent à celui de la ville de Paris. Pour R&PS, il est indispensable que l’autonomie financière de l’UE par rapport aux États membres soit garantie et que sa capacité budgétaire soit réhaussée.
La lutte contre le réchauffement climatique est le défi principal que le monde doit relever. L’Europe doit être exemplaire et avoir un effet d’entraînement sur toutes les politiques économiques de par le monde. La fin des énergies fossiles ; la banalisation et la large diffusion des énergies renouvelables, notamment pour la production d’électricité ; la généralisation d’un habitat à énergie positive ; le recours privilégié à des transports collectifs et décarbonés : ce sont autant de choix que nous devons réussir à mener à bien.
Les ambitions originelles de l’Union Européenne sont grandes mais dotée de faibles moyens politiques et budgétaires, l’UE peine à s’élever à la hauteur des défis du XXIe siècle. L’UE est à un tournant de son histoire. Face aux enjeux diplomatiques, climatiques et économiques, les peuples européens doivent faire preuve de solidarité et d’ambitions collectives. L’UE doit se renforcer en interne sans se départir de sa générosité.
L’Europe des États a fait son temps. L’Europe fédérale est l’avenir. Vive l’Europe des régions et des peuples solidaires !
Au sein du groupe Alliance Libre Européenne (ALE) au Parlement Européen, R&PS possède deux eurodéputés sortants qui ont développé des dossiers prioritaires :
- Avec plusieurs députés regroupés au sein d’un « caucus self-détermination », nous avons défini, avec l’aide de juristes, et dans le cadre des traités actuels, une proposition de résolution pour que l’Union Européenne puisse s’interposer quand un conflit d’autodétermination surgit en Europe. Ce texte servira de base pour notre action sur ce thème qui continuera lors de la prochaine mandature.
- L’action pour les langues régionales et minoritaires est une constante de l’ALE qui met son poids pour qu’un Intergroupe des Traditions et des Langues soit officiel au sein du Parlement. Cela permet d’ouvrir un espace politique où s’expriment nos thèmes ainsi que les acteurs qui les incarnent à travers leurs combats.
- L’adoption d’un « Pacte pour les Iles », la création d’une macro-région en Méditerranée, sont des objectifs prioritaires qui ont fait l’objet d’un grand investissement au sein du Parlement, avec le vote de rapports très majoritairement adoptés.
- La protection d’une alimentation saine et qualitative.
- Le cheminement vers un statut d’autonomie de la Corse est la première pierre pour l’avènement d’une France fédérale, à l’opposé d’un modèle jacobin totalement disqualifié par la construction européenne.
Les revendications principales pour nos territoires sont :
- Un statut d’autonomie pour une Bretagne réunifiée intégrant la Loire-Atlantique ;
- Sortie de l’Alsace de la Région Grand-Est et création d’une collectivité territoriale à statut particulier qui devra évoluer, à terme, vers un statut d’autonomie;
- Sortie de l’Alsace et de la Moselle de la Région Grand Est. La Moselle décidera alors si elle veut constituer une Collectivité à Statut particulier ou , d’un commun accord avec l’Alsace, une région Alsace-Moselle
- Création d’une Collectivité Territoriale à Statut Particulier en Pays Basque Nord et en Savoie ; création d'une collectivité catalane à statut particulier.
- Instauration d’une coopération structurelle et étroite entre les régions de l’espace occitan, disposant toutes d'une large autonomie législative et fiscale.