Préambule

La démocratie française est en crise. Moins d'un tiers des électeurs se sont déplacés lors du premier tour des dernières élections régionales, après des élections municipales déjà marquées par l'abstention. La crise sanitaire a joué, mais elle n'explique pas tout. Ainsi, les enquêtes d'opinion montrent que les citoyens plébiscitent l'échelon local et régional, et leur font plus confiance qu'à l’État. Ils réclament plus de compétences et de moyens pour les institutions proches des territoires, et sont bien conscients de leur manque de pouvoir. Dans le même temps, pourtant, l’État recentralise. Quarante ans après une fausse décentralisation ou pour le moins inaboutie, la Vème République reste une semi-démocratie, malade de son centralisme. Il est pourtant urgent de se donner les moyens de changer en profondeur les politiques publiques, au service du quotidien de la population, à une échelle qui permet de le prendre en compte. Il y a urgence.

Les voyants sont au rouge. Il y a urgence : URGENCE devant un littoral en grande partie bétonné (61% du littoral méditerranéen dont 96% des Alpes-Maritimes) ; URGENCE devant les terres agricoles soumises à la pression foncière qui sont de plus en plus artificialisées (57.600 hectares en moyenne par an depuis 1982) ; URGENCE devant les espaces naturels en péril ; URGENCE devant les eaux polluées ; URGENCE devant la biodiversité menacée ; URGENCE devant la diversité culturelle niée ; URGENCE devant une production alimentaire toujours plus industrialisée et son lot de maladies chroniques ; URGENCE devant les délocalisations toujours à l’œuvre ; URGENCE pour le climat ! Le système ne tourne plus rond et on a fait comme si de rien n’était.

 

Sur le plan économique, les plus aisés, de moins en moins nombreux, sont de plus en plus riches. Les pauvres, de plus en plus en plus nombreux, sont de plus en plus pauvres. La misère avance. La précarité progresse. Les politiques sociales sont détricotées. Les tensions montent. La violence s’installe. Les populismes avancent.

 

Les alarmes sonnent. Mais pris dans l’engrenage du « consommer toujours plus et à bon marché » et englués dans un système hyper centralisé et inadapté aux enjeux du XXIe siècle, on fait comme si de rien n’était. Comme si la roue, dans un perpétuel mouvement, pouvait tourner dans le même sens. Comme si les gagnants du système gagneraient toujours. Comme si les ressources de la terre étaient infinies. Comme si le PIB ne pouvait être que le seul indicateur du bonheur. Comme si le développement économique des pays du nord était sans fin. Comme si le pillage des pays et l’exploitation des populations du sud pouvaient durer éternellement. Comme si l’absolutisme de la raison d’État pouvait légitimement prévaloir sur l’expression démocratique des peuples et des citoyens.

 

Le vote de la loi anti-séparatisme au prétexte de guerre contre le terrorisme, la censure par le Conseil Constitutionnel de l’enseignement par immersion adopté lors du vote la loi Molac au nom du « français langue de la République, sont deux exemples de dérives qui menacent les libertés et la démocratie pour ceux  qui luttent pour la non-discrimination et pour le droit à la différence. 

 

La COVID accentue le grippage du système et révèle ses faiblesses et ses perversions.

Jamais, un virus ne s’était propagé à si grande allure. Et pour cause, le poids de la mondialisation des échanges n’a jamais été aussi fort. Le monde est devenu un « village planétaire ».

 

Pendant plusieurs décennies, la mondialisation a permis à une poignée de pays du nord, dont la France, de prospérer en offrant la possibilité à quelques privilégiés d’augmenter leur niveau de vie et à quelques géants de l’économie d’augmenter leurs profits. Ce progrès a un prix : la délocalisation. Dans une logique de compétitivité, on a cherché à casser  les coûts de production. Progressivement, les usines ont fermé pour être déplacées dans les pays en voie de développement, là où la main d’œuvre est bon marché et où les contraintes sociales et environnementales n’existent pas. Les faibles coûts de transport liés à l’abondance du pétrole ou à son subventionnement accompagnent le mouvement.

 

Terres rares, fer, gaz, pétrole, uranium, etc. la France ne possède quasiment aucune matière première. Et si elle est tributaire de pays producteurs essentiellement extra-européens, pour les matières premières, elle l’est aussi, à l’exception de l’alimentaire, pour l’industrie de transformation. La France et le continent européen ont délaissé l’industrie au profit de pays émergents, en particulier de la Chine, pour se tourner quasi exclusivement vers le tertiaire et l’économie de services. Même l’industrie médicale et pharmaceutique a été délocalisée. La dernière usine européenne de paracétamol, située en Isère, a fermé ses portes en 2008.

Depuis l’apparition de la Covid-19, les effets tragiques de la dépendance provoquée par la mondialisation à outrance se font ressentir. En pleine pandémie, les équipements de protection individuelle, essentiellement produits en Chine ont cruellement fait défaut. Il a fallu compter sur la réactivité des collectivités territoriales et les initiatives citoyennes pour palier dans l’urgence aux multiples pénuries et aux carences de l’État, trop centralisé pour être efficient.

Les effets de la crise sanitaire sur l’économie sont prégnants même après les déconfinements. Mondialisées, les chaînes logistiques sont désorganisées. Beaucoup de salariés refusent les innombrables heures supplémentaires qui leur sont imposées pour relancer la croissance. Jouets, puces électroniques, matériaux, alimentation, etc : la pénurie planétaire est globale. Partout et dans tous les secteurs les prix grimpent.

La mondialisation, poussée par une vision à court-terme, a été un leurre, une fuite en avant. La relocalisation de l’industrie à l’échelle de l’Europe et la territorialisation de l’économie s’imposent désormais comme une nécessité absolue. L’autonomie politique, énergétique et alimentaire des territoires ainsi que la coopération et la solidarité sont l’alternative durable à la mondialisation. Il y a urgence.

 

La crise de la Covid n’a pas seulement révélé l’impasse économique de la mondialisation. Elle a aussi souligné la fragilité de la démocratie dans un régime présidentiel tel que la Ve République.

Jamais depuis la guerre d’Algérie les libertés individuelles n’ont été aussi réduites (restriction des déplacements, interdiction de réunions, couvre-feux, pass sanitaire, etc.), et le pouvoir aussi centralisé et concentré dans les mains de l’Exécutif (mise à distance du Parlement, instauration d’un Conseil de Sécurité dont la composition est tenue secrète, décision par ordonnance, etc.). Le recours au régime d’exception n’est pas considéré pour autant comme pas un coup d’État. Il est une simple application du droit, reconnu malheureusement par la constitution de la Vème République. L’état d’urgence sanitaire a été décrété en mars 2020 lors de la première vague de Covid. Tout comme l’état d’urgence, il repose sur le mythe de l’Homme providentiel et sur la conviction qu’en période de crise, le dialogue et la concertation sont une perte de temps. L’association du parlement et des élus locaux à la prise de décisions, aurait cependant permis d’éviter la cacophonie notamment sur le bien fondé des masques face au risque de contamination à la Covid ou sur le calendrier électoral 2020 et 2021.  Il ne faudrait pas l’oublier : la décision de suspendre le second tour des élections municipales a été prise par Emmanuel Macron, sans débat préalable au Parlement. C’est en effet devant leur petit écran, comme l’ensemble des citoyens d’ailleurs, que les Députés et les Sénateurs ont appris la nouvelle. Ce n’est qu’après l’annonce à la télévision par le Président Macron du report du second tour qu’un projet de loi a été déposé par le Gouvernement puis débattu au Parlement. Avec l’état d’urgence le Parlement est dépossédé de ses fonctions législatives. Réinsufflons la démocratie. Il y a urgence.

 

La gestion de la Covid par la France a permis de mettre en exergue l’absurdité mortifère, au sens strict du terme, de la centralisation du pouvoir.

L’état d’urgence sanitaire adopté, l’Élysée s’est bunkerisé décidant tout seul des mesures qu’il convenait de prendre pour endiguer la propagation du coronavirus. Le premier confinement annoncé à la télé lors d’un discours aux allures martiales par Emmanuel Macron s’est imposé à tous les territoires, sans distinction. La présence du virus était pourtant très hétérogène. La capacité des hôpitaux et des services de réanimation à accueillir les malades les plus graves variait également fortement d’un territoire à un autre. A la veille de la pandémie, fin 2019, la France comptait un peu plus 5.000 lits de réanimation. La densité régionale des lits en soins critiques était cependant très inégale : 33 lits en soins critiques pour 100.000 en Île-de-France contre, tout juste, 18 lits en Corse et à peine 11,3 en Guyane et 7,4 à Mayotte. La gestion centralisée de la santé par l’État a généré des inégalités entre les territoires qui se sont avérées préjudiciables pendant la crise de la Covid-19.

Le commandement centralisé a été inefficace et a créé des injustices, en particulier lors de la première vague. Dans les pays fédéraux à l’instar de l’Allemagne ou l’Autriche ou fortement régionalisés comme le Royaume-Uni, les mesures sanitaires ont été décidées et organisées à l’échelle des régions autonomes. La France aurait pu prendre des mesures adaptées à la situation de chaque territoire, de concert avec les élus locaux. Cela aurait évité de paralyser « quoiqu’il en coûte » le pays entier, au printemps 2020. Mais la France est un État jacobin qui se prétend unitaire et qui est en réalité uniformisateur. Elle est incapable de territorialiser ses politiques.

La décentralisation et la différenciation territoriale sont plus que jamais nécessaires pour une meilleure efficacité de l’action publique. Il y a urgence.

 

Les confinements imposés par le Gouvernement à chaque vague de Covid ont été accompagnés par la fermeture des écoles, des universités, des lieux de culture, des entreprises et des administrations. Ralentie mais pas arrêtée l’activité s’est prolongée à domicile grâce au télétravail et à l’essor de la visioconférence. Si pour certains, le confinement a été l’occasion de faire une parenthèse dans le quotidien « métro-boulot-dodo », pour tous ceux qui habitaient dans les immeubles des grandes villes, télétravailler a rimé avec promiscuité et insalubrité. Pour ceux qui, au contraire, avaient les moyens financiers et matériels de quitter la ville, l’exode urbain a été la solution. L’INSEE chiffre à 1,5 millions le nombre de personnes qui ont fuit la ville lors du premier confinement de mars 2020. Les communes rurales et les villes moyennes sont les destinations privilégiées de ces nouveaux « réfugiés » à fort revenu dont le déménagement a entrainé une hausse de la demande et par voie de conséquence la hausse des prix de l’immobilier. En moyenne, les prix du logement ont augmenté de +6,6% en 2020 (+7,5% pour le marché des maisons). Dans certains territoires la flambée des prix a rendu l’immobilier prohibitif. Sur la côte basque, le prix de l’immobilier a bondi de +17%. A Biarritz, le prix moyen d’un appartement s’élève désormais à 394.000€ (+14% en un an). Quant à celui des maisons, il a explosé (+26%). L’achat de résidences secondaires, le tourisme et le développement de plateformes telles Airbnb poussent à la spéculation et à l’inflation des prix de l’immobilier. Le droit au logement est universel. Vivre et travailler au pays doit être un choix pour tous. La  régulation du marché de l’immobilier est un impératif. Il y a urgence.

 

La crise sanitaire est enfin un vrai pied-de-nez aux politiques néolibérales et à l’abandon de l’idée de service public. Les clivages sociaux, économiques et territoriaux ont été particulièrement saillants pendant la crise sanitaire. Alors que le Gouvernement s’apprêtait à lancer de profondes réformes antisociales (réforme des retraites et de l’assurance chômage), la Covid est venue rappeler le bénéfice d’une politique interventionniste et sociale. Le chômage partiel et les aides aux entreprises et aux métiers de la restauration et de l’hôtellerie en particulier pendant les confinements ont permis de limiter la récession. Les politiques sociales sont des régulateurs indispensables au bon fonctionnement de la société. Elles doivent être étendues dans un souci de justice sociale. Il y a urgence.

 

La Covid-19 n’est, hélas, pas vaincue. Le virus circule encore malgré les progrès de la médecine. Il est probable qu’à l’instar de la grippe, il devienne saisonnier. Il faut se préparer à vivre en faisant preuve de résilience. Nous devons changer les pratiques et agir sur l’origine des urgences. Le monde d’après est à bâtir et il se construira, de façon démocratique, à partir des territoires.

Pour répondre aux défis de la territorialisation, les Régionalistes rassemblés au sein de Régions et Peuples Solidaires sont les mieux placés. Ancrés dans les régions, les Régionalistes sont mobilisés pour faire avancer au quotidien la société dans un souci de durabilité, de justice et d’ouverture sur le monde. Politiquement, leur poids électoral est grandissant et leur influence est réelle. Sans aucun doute, l’EPCI Pays-Basque, la Collectivité Européenne d’Alsace, l’Office Public de la Langue Occitane pour ne citer que ces trois exemples sont le fruit de la revendication et de l’engagement des Régionalistes en politique et sur le terrain. En Corse, les membres de Régions et Peuples Solidaires, à la Collectivité de Corse sous la présidence de Gilles Simeoni, et dans les principales villes de l’île, le Partitu di a Nazione Corsa et Femu a Corsica sont aux responsabilités pour accompagner le peuple corse sur le chemin de l’émancipation. En Bretagne, l’Union Démocratique Bretonne siège à la région dans une opposition constructive pour défendre la réunification, l’agriculture paysanne, la langue et la culture bretonnes.

Au Parlement Européen, R&PS dispose d’un eurodéputé en la personne de François Alfonsi qui n’est autre que l’auteur du « Rapport sur les langues menacées de disparition et la diversité linguistique » adopté très largement à Strasbourg en 2013 contre l’avis, il faut le rappeler, de l’extrême-droite et de la droite souverainiste françaises.

Présents depuis 2012 au palais Bourbon et l’élection historique du député breton Paul Molac, les Régionalistes ont renforcé leur poids en 2017. Avec l’arrivée de trois députés corses puis la formation du groupe parlementaire Libertés et Territoires, les représentants de R&PS à l’Assemblée nationale ont pu faire entendre leur voix. 

Depuis les dernières élections sénatoriales, les Régionalistes possèdent un représentant avec Paulu-Santu Parigi. La présence de parlementaires R&PS a permis de faciliter la maitrise de l’agenda législatif et débouché sur l’inscription à l’ordre du jour de sujets comme le statut de résident (Proposition de Loi Acquaviva), la défense des langues dites régionales (Proposition de Loi Molac) ou le gel des matchs de football le 5 mai en mémoire du drame de Furiani (Proposition de Loi Castellani).

L’année 2022 sera décisive sur le plan électoral. Engageons-nous avec confiance et détermination dans cette séquence. La société peut changer. L’avenir sera ce que nous en ferons.