Rédigé par Nicole Mari le Samedi 24 Août 2019 à 20:15
La fédération des Régions et peuples solidaires (R&PS), née en 1994 par le regroupement de partis autonomistes et indépendantistes dont le PNC, rejoint aujourd’hui par Femu a Corsica, tient, en ce moment, sa 24ème université d'été au Palais des congrès d’Aiacciu. Au programme : les relations de la Corse avec l’Etat, la lutte contre la précarité au niveau des territoires, et la lutte contre les populismes et la montée des extrêmes en Europe. Parmi les invités, le maire de Langouët, Daniel Cueff est en pleine actualité avec un procès contre son arrêté anti-pesticides. Les participants ont été reçus, vendredi soir, à la Collectivité de Corse par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni. Explications, pour Corse Net Infos, de Pèire Costa, directeur de R&PS qui évoque l’enjeu des prochaines échéances électorales.
- Que représente R&PS politiquement aujourd'hui ?
- R&PS est un parti politique qui rassemble l’ensemble des mouvements qualifiés par le ministère de l’Intérieur comme étant régionalistes. Pour la Corse, il rassemble le PNC et Femu a Corsica. Les autres territoires représentés sont : la Bretagne, la Moselle, l’Alsace, la Savoie, l’Occitanie, la Catalogne Nord et le Pays basque Nord. Le Congrès mondial amazigh a, par la présence d’une forte diaspora berbère dans l’hexagone, le statut de membre associé. Cela représente 13 organisations.
- Quels sont les thèmes de cette 24ème université d’été qui se déroule sur trois jours ?
- Ce samedi, a eu lieu le congrès de R&PS uniquement réservé aux adhérents des organisations membres. Les journées de vendredi et dimanche, ouvertes au public, avec un accès libre et gratuit, sont dédiées à l’université d’été, c’est-à-dire à l’étude et l’échange autour de thématiques en lien avec notre sensibilité. Nous avons débuté vendredi matin par une demi-journée consacrée à la Corse et à ses relations avec l’Etat avec l’intervention du président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, sur le combat des Corses pour l’autonomie de plein droit et de plein exercice. Le conseiller exécutif en charge de la langue corse, Saveriu Luciani, a parlé de bilinguisme et de coofficialité. Le journaliste Sampieru Sanguinetti, pionnier de la télévision régionale, a évoqué la Corse à la croisée des chemins. Le politologue Tudi Kernalegenn a analysé l’exception corse au sein de la République jacobine. L’après-midi a été consacrée à un thème majeur pour nous : la lutte contre la précarité.
- Comment l’avez-vous abordé ?
- Par le biais des territoires. Avec trois intervenants : le Dr François Pernin, président de la coordination de lutte contre l’exclusion (CLE), qui a expliqué la situation et les moyens mis en œuvre en Corse. Lucien Betbeder, maire de Mendionde au Pays basque Nord et président de l’association des maires du Pays basque, a été candidat R&PS aux Européennes. Son intervention, d’autant plus intéressante qu’il est lui-même travailleur social, a porté sur l’identité régionale comme moyen d’intégration sociale. Daniel Cueff, maire de Langouët en Bretagne, a présenté toutes les actions en matière de développement durable qu’il a mises en place et qui agissent comme un levier contre la précarité.
- Daniel Cueff est en pleine actualité avec son arrêté municipal contre les pesticides et son procès la veille de sa venue dans l’île…
- Oui ! Il est assez à la mode en ce moment ! Son arrêté contre l’utilisation des pesticides dans sa commune de Langouët a été attaqué par la Préfecture d’Ille & Vilaine qui a considéré que ce n’était pas une compétence municipale. L’affaire a été examinée par le tribunal administratif de Rennes jeudi dernier. On saura lundi s’il sera condamné par la justice pour avoir voulu protéger sa population. Ce qui serait assez extraordinaire !
- Quels autres thèmes sont au programme ce dimanche ?
- Le débat portera sur la montée des populismes et de la xénophobie en Europe, et quelles réponses, nous autres Régionalistes, pouvons apporter. Parmi les intervenants, Daniel Carême, eurodéputé Europe Ecologie – Les Verts (EELV) et ancien maire de Grande-Synthe (département du Nord), montrera comment de sa commune à l’Europe, on doit relever le défi à tous les niveaux. L’eurodéputé François Alfonsi expliquera comment l’Europe des Etats, en méprisant les identités et en déclassant les territoires, fait le lit des populismes. Lorena Lopez de Lacalle, présidente de l’Alliance Libre européenne (ALE), éclairera sur les bonnes pratiques de l’ALE en matière de territorialité.
- L’inquiétante recentralisation des pouvoirs vers les capitales, tant au niveau national qu’européen, est un sujet brûlant. Pourquoi l’avoir ignoré ?
- Nous ne l’ignorons pas ! C’est un thème transversal qui est dans l’ADN des Régionalistes. Quand on parle de la lutte contre la précarité, on met l’accent sur le fait que l’Etat jacobin a échoué. Il n’est pas capable de garantir l’égalité entre tous les citoyens et entre tous les territoires. Nous prônons une décentralisation des décisions et la capacité d’agir au plus proche des citoyens. Pareil quand nous parlons de la lutte contre les populismes et la montée des mouvements xénophobes. Les régionalistes ont une réponse basée sur le respect de la diversité, notamment territoriale. C’est intéressant de constater que là où les mouvements régionalistes sont forts, les mouvements d’extrême-droite sont faibles !
- L’ère Macron, est-ce un mauvais temps pour les territoires ?
- Oui ! Tout à fait ! Emmanuel Macron n’est pas, de toute évidence, pour nous, un partenaire avec qui on peut discuter. Sa particularité est de tenir des propos qui paraissent parfois assez encourageants pour les territoires, mais dans les faits, il fait exactement l’inverse ! Il fait une politique de recentralisation à marche forcée. Absolument rien n’a été donné en faveur de la décentralisation depuis qu’il a été élu ! Macron a une vision ultrajacobine de la France, y compris concernant la Francophonie et la langue française. Il est extrêmement méprisant à l’égard des langues dites régionales de l’hexagone et de tous les défenseurs de ces langues. Il y a deux ans, dans un discours sur la Francophonie, il avait déclaré que la France est le seul pays de la Francophonie à ne parler que le français ! Sans parler de sa sortie tout aussi méprisante à Saveriu Luciani qui lui demandait d’ouvrir une fenêtre pour la langue corse et à qui il a répondu que c’était « finir enfermés dans les toilettes de la Corse » ! Aucun président avant lui n’avait jamais osé parler de la sorte !
- Le renforcement du pouvoir des préfets vous inquiète-t-il ?
- Absolument ! La semaine dernière, j’ai découvert que quelques députés de la majorité avaient déposé une proposition de loi pour transférer la politique d’aide sociale à l’enfance à la préfecture, donc à l’Etat, alors que c’est une compétence forte des départements. Non pas que nous considérons que le département soit l’échelon le plus pertinent, mais on voit bien que derrière cette proposition de loi, la politique de Macron est de recentraliser toujours plus ! Ces politiques sociales doivent être menées au plus proche des territoires. Dans une démocratie, ce sont les élus qui détiennent la légitimité, pas des fonctionnaires nommés par Paris et qui n’ont aucune connaissance des territoires.
- Quelle stratégie comptez-vous mettre en place dans cette situation ?
- La stratégie est d’être présents à chaque élection. Lors du congrès qui s’est déroulé ce samedi, nous avons fait le bilan de l’année écoulée et discuter des perspectives, notamment des prochaines échéances électorales. Les composantes de R&PS seront présentes aux prochaines élections municipales de mars prochain. La question est de savoir si nous arrivons – ou pas – à dégager une stratégie commune sur les grandes lignes programmatiques. Il y a aussi d’autres échéances importantes en 2020 : les élections consulaires en mai et les élections sénatoriales en septembre.
- En quoi les élections consulaires sont-elles un enjeu important ?
- Elles sont importantes parce que tous les territoires représentés dans R&PS sont tous concernés par ces élections : les Corses, les Alsaciens, les Bretons, les Basques… sont très organisés en diaspora à l’étranger. Elles sont intéressantes parce qu’elles ont vocation à représenter les Français à l’étranger dans différentes assemblées, notamment auprès des ambassades. Elles servent aussi à désigner les grands électeurs qui vont élire les sénateurs de l’étranger. Dans la foulée, ont lieu d’ailleurs les élections sénatoriales.
- Trois mois après les Européennes, quel bilan tirez-vous de votre participation à ce scrutin sur la liste Europe Ecologie ?
- Un bilan très positif puisque notre objectif principal était l’élection d’un des nôtres. Ce qui fut fait en la personne de François Alfonsi. Nous sommes, donc, très satisfaits. Nous n’avons qu’un seul regret : notre deuxième candidate, qui était 14ème sur la liste, a manqué d’être élue de quelques milliers de voix. C’est dommage !
- Finalement, comment se porte le mouvement régionaliste ?
- Il est en nette progression. Nous constatons que notre projet obtient un écho de plus en plus important dans la société. Nos résultats aux dernières élections en témoignent. Notamment depuis l’élection régionale de 2015 où nous avons connu une avancée. 2015, c’est la victoire des Nationalistes de Pè a Corsica en Corse. C’est le score du mouvement alsacien qui devient la 3ème force politique en Alsace. Et puis, il y a eu le score réalisé lors des élections législatives de 2017 : 3 députés sur 4 en Corse, 1 député breton. Et enfin, le succès des élections européennes. On voit bien que dans les territoires, les gens prennent de plus en plus conscience que la politique française, très centralisée, est une impasse et que le projet, que nous portons, peut être une réponse crédible.
Propos recueillis par Nicole MARI.