Confrontée à la déchirure du Brexit, et, d’une façon plus générale, au raidissement des Etats-nations, comme en Espagne face au dossier catalan ; menacée par la montée en puissance des forces politiques anti-européennes dans de nombreux pays, à commencer par la France ; ébranlée par les effets de la crise économique de 2008, puis par ceux de son échec face à la crise migratoire ; mise sous la pression des USA qui veulent annihiler son influence sur la scène mondiale en la divisant en deux blocs antagonistes Est/Ouest : l’Europe est confrontée à des défis colossaux dont la concomitance multiplie les effets cumulés.
Le Brexit entre dans sa phase finale de négociation, celle où chacun doit cesser le bluff et abattre ses cartes. Celles des « Brexiters » britanniques apparaissent peu brillantes. Entre l’acceptation d’un accord jusqu’ici rejeté avec force par l’aile dure du Parti Conservateur, et un « no deal » qui ouvrirait la porte à des difficultés majeures au sein du Royaume Uni, la position la plus probable est celle d’un nouveau délai au delà du fatidique 29 mars 2019. Pendant ce temps, les partisans d’un nouveau referendum progressent au sein de l’opinion britannique.
L’enjeu essentiel de la négociation est le sort de ce qui deviendrait la seule frontière terrestre entre le Royaume Uni et l’Europe, à savoir la frontière irlandaise. La rétablir telle qu’elle était il y a vingt ans est contraire au traité de paix du « vendredi saint » qui a mis fin au conflit en Irlande du Nord ; personne ne veut en prendre le risque. Ne pas la rétablir revient à déporter dans l’espace maritime entre Angleterre et Irlande du Nord les contrôles et la matérialité d’une frontière à travers laquelle seraient réalisées les opérations de douane. L’Irlande du Nord deviendrait alors un « territoire intermédiaire » entre Europe et Royaume Uni, plus irlandais que britannique, ce qui effraie le camp unioniste protestant d’Ulster. Maintenir l’Union douanière supprimerait les effets de la frontière, mais réduirait le Brexit à une rupture fictive puisque le Royaume Uni resterait soumis à toutes les normes européennes, tout en ayant fait le choix de ne plus participer à leur élaboration. Ce qui est par définition absurde. Le dossier du Brexit est loin d’être terminé !
La crise économique non plus n’est pas terminée. Le rétablissement (à quel prix !) de l’économie grecque ne suffira pas à désamorcer le risque d’un engrenage récessif au sein de l’économie européenne. Toutes les prévisions économiques sont revues à la baisse, en France comme ailleurs, avec des « crises en devenir » plus graves dans certains pays comme l’Italie. La gouvernance économique de la zone euro a jusqu’à présent tenu le coup, mais elle y a consacré l’essentiel de ses réserves. Elle serait probablement déstabilisée par un nouveau choc économique majeur tel qu’il semble s’annoncer en Italie.
Et cela d’autant plus qu’en cas de crise économique majeure, la réponse politique sera encore plus compliquée à dégager car les débats seront pollués par les gouvernements populistes qui ont pris les rênes dans plusieurs pays. Ces gouvernances anti-européennes se coagulent pour limiter la capacité politique de l’Europe dans son ensemble face aux défis mondiaux. Ainsi le « groupe de Visegrad », qui rassemble la plupart des ex-pays de l’Est, a récemment tenu un sommet avec la diplomatie américaine qui veut un alignement total sur ses positions pro-israéliennes et anti-palestiniennes, sur le retrait de l’accord nucléaire avec l’Iran, et sur tout sujet qui concerne la toute-puissance américaine sur la scène mondiale. Leur « sommet » polonais a fait flop, mais il ne sera pas de trop d’un Parlement Européen vigilant pour contrecarrer ces manœuvres.
D’une façon générale, le recentrage des forces politiques étatiques sur les enjeux internes des Etats-nations est un poison pour l’avenir de l’Europe. Il est à l’œuvre en Grande Bretagne avec le Brexit. Il rythme la vie politique dans de nombreux pays d’Europe, comme en Espagne où la revendication de pouvoir choisir librement un avenir européen pour la Catalogne est le moteur de toutes les dérives post-franquistes d’une justice d’exception.
Dans ce contexte, il importe que le futur Parlement Européen fasse entendre une voix de progrès et d’avenir pour l’Europe. Le groupe des écologistes/régionalistes Verts-ALE a toujours été une force politique engagée dans ce combat. Régions et Peuples Solidaires, une fois l’accord finalisé avec EELV, pourrait à nouveau faire partie de ce groupe à l’issue de l’élection de mai prochain.
C’est évidemment important pour tous, particulièrement en Corse !
François ALFONSI, chef-de-file Régions et Peuples Solidaires aux européennes 2009