MACRON ET L’UNION EUROPÉENNE : DU PAREIL AU MÊME ?!

Gustave Alirol, président de Régions et Peuples Solidaires

La lettre d’Emmanuel Macron exposant ses propositions de relance de l’Europe aux citoyens de l’Union européenne a reçu un accueil favorable en France chez les partisans de la construction européenne.  Et elle y a mis dans l’embarras les anti-européens plus ou moins convaincus.

 

Pour l’essentiel, le président de la République a ainsi atteint l’objectif qu’il s’est fixé en interne : se poser face aux populistes comme le (seul) porteur actuel d’une vision positive de la construction européenne, le seul progressiste… et de la sorte se garantir une longueur d’avance dans la compétition électorale qui s’ouvre et qu’il a déjà largement entamée avec le « grand débat » lancé en réponse à la révolte des « gilets jaunes ».

 

Pour ce qui est de son efficacité au sein de l’Union, la réussite est loin d’être assurée. Outre qu’Emmanuel Macron y a perdu de sa superbe depuis les vicissitudes auxquelles il est confronté au plan hexagonal, son initiative risque fort d’être perçue comme une manifestation de plus de l’ « arrogance française » (ce qu’elle est d’ailleurs pour une bonne part) ; elle risque ainsi de rater l’objectif fédérateur qu’une démarche moins individuelle aurait pu avoir…

Que faut-il penser de ses propositions ?

 

Il faut ici distinguer la terminologie employée qui est une réussite en termes de communication politique tant elle épouse nombre d’attentes des citoyens européens y compris les plus formellement populistes (protection, souveraineté, frontières…) tout en faisant preuve d’un « progressisme » du meilleur aloi en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. On a là du vrai « en même temps », du pur « macron ».

Sur le fond, les propositions ne sont pas à rejeter systématiquement. Mais elles sont souvent, derrière les mots utilisés, de portée limitée, centrées sur le domaine des nouvelles technologies, et relèvent donc là encore du macronisme bon teint. Sur d’autres points, elles sont la reprise de propositions antérieures inabouties, certaines de droite (remise à plat de l’espace Schengen, contrôle aux frontières - mais rien sur l’aide accrue aux pays sources de l’immigration-, préférence européenne), d’autres plutôt de gauche (comme le salaire minimum européen…).

On l’aura compris : ce que nous propose le président français c’est bien la poursuite de l’aventure européenne, sur le mode qui la caractérise depuis l’origine, autrement dit sans la démocratie mais avec encore et toujours la « gouvernance » des États et des gouvernements à travers divers conseils ou agences qui ne règleront pas le problème de fond de l’Union. Sans la démocratie il ne saurait y avoir adhésion à un projet ainsi formaté. Et ce n’est pas l’ « Agence européenne de protection de la démocratie » qui démontrera le contraire, tant elle risque elle-même d’apparaître comme un instrument aux mains d’ « experts » mais loin des citoyens européens. Par ailleurs, en n’abordant explicitement que les attaques extérieures contre la démocratie, Emmanuel Macron, se garde bien (refus d’ingérence dans les affaires intérieures des autres États membres, assez incohérent par rapport à l’objectif général de son texte ?) d’évoquer les menaces internes et en particulier celles qui sont portées par des gouvernements mais aussi des États eux-mêmes, comme c’est le cas avec le procès en cours en Espagne contre les leaders politiques catalans pour cause de référendum d’autodétermination.

 

Finalement, c’est donc bien la vision néo-libérale de l’Union européenne que Macron nous propose de confirmer. La confortation de la construction européenne, nécessité absolue, mérite mieux.

 

Tous ceux qui, en considération de son ouverture européenne,  avaient appelé à voter Macron au second tour de l’élection présidentielle en 2017 devront se souvenir de ce qui s’est passé depuis en France. Le combat pour l’Europe (car c’en est un aujourd’hui) ne peut pas se contenter de continuer sur cette voie a-démocratique, sinon, demain, les désillusions risquent d’être bien plus grandes encore. Le chemin est long vers une Union Européenne de la démocratie citoyenne et territoriale.