Constitution - Droit local: Lettre d'Unser Land aux parlementaires

Madame et Messieurs les Députés,

 

Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011, dite « Somodia », le droit local est bloqué dans son évolution, sauf à se rapprocher du droit commun. Pour lui permettre d’évoluer et de survivre, vous avez, dans le cadre du projet de loi de révision de la Constitution, dont l’examen en 1re lecture à l’Assemblée nationale est actuellement suspendu, demandé l’inscription du droit local dans la Constitution.

 

 

Vos démarches ont contribué à ce que le Gouvernement dépose un amendement à l’article 34 de la Constitution, ainsi rédigé : « La loi peut aménager les dispositions législatives particulières aux territoires réintégrés à la France par le traité de paix du 28 juin 1919 ».

 

Cependant cet amendement ne remplit pas l’objectif escompté. En effet il fige la jurisprudence Somodia dans la Constitution en gravant dans le marbre constitutionnel le principe selon lequel le champ d’application du droit local ne peut être étendu. En effet, l’exposé sommaire de l’amendement gouvernemental précise que « si, comme le juge le Conseil constitutionnel, la loi ne peut étendre le champ d’application du droit local, elle peut bien aménager les règles de droit local pour les adapter si cela est justifié par les nécessités actuelles, ce qui ne lui interdit pas davantage d’harmoniser ce droit, voire d’en abroger certaines dispositions si nécessaire. » Le terme « aménager » signifie que seules des modifications de détail sont possibles. Cet amendement ne permet donc aucune évolution significative du droit local.

 

« Aménager… Adapter… Harmoniser… Abroger… » Au contraire de ce qui est attendu, l’amendement proposé par le gouvernement fragilise le droit local et la loi pourra le faire mourir à petit feu. Nous comptons sur vous pour protester et rejeter cet amendement.

Loin de constituer un « sauvetage » du droit local, des juristes avisés estiment que la Constitution révisée sur une telle base soumettra l’Alsace et la Moselle à un régime plus restrictif que le reste de la France, où de nouvelles règles territoriales pourront être adoptées en vertu du nouvel article 72 de la Constitution.

 

Au moment où les députés corses déposent de nombreux amendements visant à renforcer l’autonomie de leur île, les députés alsaciens ne peuvent être en reste. Le peuple alsacien attend de ses représentants qu’ils se fassent aux aussi entendre et qu’ils affirment une vision et une ambition fortes pour l’Alsace.

 

Vous devez saisir l’occasion de la révision de la Constitution pour obtenir pour l’Alsace le statut de collectivité à statut particulier dotée de compétences législatives et réglementaires. Ainsi les Alsaciens auront notamment la possibilité de faire évoluer eux-mêmes leur droit local en fonction de leurs propres nécessités et d’en élargir le champ d’application.

 

Unser Land a rédigé un amendement proposant d’ajouter un alinéa 6 à l’article 72 de la Constitution, ainsi libellé : « Afin de tenir compte des intérêts propres des populations des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les conseils départementaux concernés ont la compétence de développer, en commun ou chacun en ce qui le concerne, le droit particulier applicable dans ces départements, par modification des lois et règlements concernés. Ces modifications prennent effet dans un délai de trois mois après leur adoption si le Parlement, pour les dispositions de valeur législative, ou le Gouvernement, pour les dispositions réglementaires, ne les ont pas annulées ou modifiées. » Le député breton Paul Molac a accepté de le déposer. Nous vous invitons à lui apporter votre soutien.

Dans l’espoir que vous saurez faire entendre et respecter les intérêts alsaciens et que vous obtiendrez pour l’Alsace, les mêmes prérogatives que le législateur s’apprête à accorder à la Corse, nous vous adressons nos salutations distinguées,

in elsässischer Verbundenheit,

 

Cordialement,

Andrée Munchenbach,

Présidente d'Unser Land

+ 336 35 10 28 78‬