Feux de forêts en Suède et en Grèce : la solution passe aussi par Bruxelles.

Après la Suède, touchée voici quelques semaines par des incendies sans précédents en Scandinavie, c’est la Grèce qui est maintenant la victime de la puissance du feu. On décompte déjà 82 victimes (au 26/07/2018). L’été 2018 semble pour le moment épargner la Corse mais pas l’Europe.

La Suède, la première de cordée

 

En Méditerranée, en général, et en Corse, en particulier, nous sommes habitués aux canicules et aux nombreux feux de forêts qui rythment malheureusement nos étés, même si 2018 s’avère être une année extrêmement calme sur notre île. Mais le réchauffement climatique, couplé à l'abandon du rural auquel s’ajoute l’absence de politique de prévention (ou du moins trop faible) et un sous-équipement chronique aggravent la situation d'année en année.

 

Après une année 2017 particulièrement chaude en Corse, en 2018, c'est la Suède qui souffre, en premier, de ces maux habituellement réservés aux régions australes de l’Europe. Des conditions climatiques particulièrement méditerranéennes aux abords de la mer Baltique, ça ne s’était jamais vu. Mais il va falloir s’y habituer si on n’agit pas sérieusement contre le réchauffement climatique. 

 

Désormais, c’est la Grèce qui est touchée. Mais la canicule qui se fait ressentir jusqu’au nord de l’Europe frappe encore plus violemment le sud. Et la Grèce, déjà en grande difficulté économique n’a pas les moyens, seule, d’agir contre ces feux qui ont déjà brûlé des milliers d’hectares, plus de 300 maisons, fait plus de 80 victimes et plusieurs dizaines de disparus (bilan provisoire).

 

Pour une sécurité civile européenne

 

S'il existe des recherches scientifiques poussées dans la lutte contre les incendies, notamment à l'université de Corti, s'il existe des services de la sécurité civile de très grande qualité partout en Europe, il existe aussi un petit programme européen pour assurer la solidarité entre les pays de l'union européenne en cas de crise majeure : le Mécanisme européen de protection civile. Ce programme est à l'image de l'Europe des États, un demi-succès et donc un demi-échec. 

 

D'une part, c'est un instrument lourd à mobiliser puisqu’on doit passer par les capitales et l'épisode corse de l'an dernier reste ancré dans nos mémoires collectives. En effet, pour mobiliser un Canadair positionné en Sardaigne la Collectivité Territoriale de Corse avait dû passer par Paris-Bruxelles-Rome-Cagliari-Rome-Bruxelles-Paris avant d'avoir une réponse. Et en matière de feux de forêts, le temps est précieux voire vital, et la Grèce nous le rappelle brutalement.

 

D'autre part, le réchauffement climatique et les pics de chaleur ne sont pas - par définition - limités à un État mais ce sont des phénomènes, au mieux, régionaux, au pire, continentaux. Et les cas suédois et grec nous prouvent qu'ils peuvent avoir lieu n'importe où en Europe. 

 

Autrement dit, il serait peut-être temps de réfléchir à une force européenne d'intervention rapide en matière de sécurité civile. Elle pourrait être ultra-réactive et ultra-flexible afin d’être facilement mobilisable partout en Europe et ainsi éviter de perdre un temps précieux et sans doute aussi des vies.

 

Le régalien à Bruxelles ?

 

La réelle difficulté de cette idée, une force d’intervention fédérale en matière de sécurité civile, n’est pas la complexité de sa mise en œuvre, ni même son coût mais bien une opposition frontale à la conception qu’ont les États-nation du pouvoir régalien, dont celui de la sécurité y compris civile.

 

Pour les États membres, tout ce qui touche de près ou de loin au pouvoir régalien (police, justice, sécurité civile ou militaire) doit être combattu car ce sont des domaines intouchables, intangibles, indiscutables.

 

Pourtant, les feux de forêts ne connaissent pas les frontières, tout comme de nombreux crimes et délits sont commis en se jouant des frontières qui ont heureusement disparu au sein de l’Union Européenne - mais qui demeurent dans les services publics des États, affaiblissant d’autant l’autorité de ces derniers, tout en ne garantissant pas le niveau de service public que les populations sont en droit d’attendre.

 

Autrement dit, tôt ou tard, et il vaudrait mieux le plus tôt possible, viendra le temps où les États n’auront plus le monopole sur les domaines régaliens, en tout cas, si on veut assurer un haut niveau de service public. Les feux suédois et grecs, nous montrent l’urgence absolue d’agir en commun au niveau européen.

 

Roccu GAROBY